Invité
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Posté le: 13 Déc 2006 16:29 Sujet du message: Texte sabotage centre d'appel en Inde |
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On a plus à faire notre service militaire. Tant mieux. Je verserai à peine une gerbe en mémoire des générations précédentes qui se sont ennuyées, des mois durant, pour faire corps avec la nation, ni même pour nos aînés qui se sont intégrés en short sur les chemins froids et venteux, dans un cadre discipliné et strict, et encore moins pour ces ex-jeunes désorientés et sans tuteur bien raide, qui ont découvert les vertus viriles de l’autorité et ses canonnades d’ordres arbitraires. « Corvée de chiottes ! » « Fais 100 pompes ! » « Au cachot ! »
Ce sévice public est suspendu, il reste tout de même le volontariat international en entrepriiiiiiiiiiiise ou en administration « Cent tractions »! Bien que je ne sois pas très volontaire pour bosser, je me suis engagé à passer 4 heures par nuit dans un centre d’appel en Inde en tant que petit fonctionnaire détaché de sa mère patrie.
Un échange oral quotidien en anglais entre des gamins français et des jeunes indiennes par l’entremise d’ordinateurs connectés au net pour pouvoir se parler sans payer le téléphone. Mon travail consistait à faciliter l’échange entre le petit Nicolas et sa correspondante anglophone. Réduire les incompréhensions liées à la langue ou aux différences de culture, tel était mon rôle. Au début, ce qui m’ennuyait le plus dans ce boulot, c’est que les Indiennes doivent utiliser un prénom chrétien, officiellement pour aider le gamin à s’en rappeler, mais aussi bien sûr pour tenter de dissimuler leur appartenance à un pays pauvre. C’était avant de faire connaissance avec les employées de ce centre d’appel. Elles s’en foutaient pas mal d’avoir à bosser sous un faux-nom, çà les amusaient plutôt et les gamins aussi. Certains n’étaient pas dupes et reconnaissait leur accent indien et ne se gênaient donc pas pour leur poser des questions sur leur pays. Non, ce qui les gênaient, c’était d’être mal payées, alors que leur patron, Sanom Sexanal, se faisait de bons gros bénef grâce au contrat de sous-traitance avec un entrepreneur Français.
Le champion de la mondialisation bleu-blanc-rouge savait que les 200 millions d’Indiens qui parlent anglais sont payés dix fois moins que n’importe quel Philippin ou Mauricien.
Avec moi, çà n’a mis longtemps à péter : Il a suffit que le Sanom Sexana me dise, tout fier, « Heureusement que je n’ai pas à respecté le droit du travail sinon, je ne serais pas compétitif ». Une caricature de gros con.
Au bout d’une semaine, j’avais déjà refusé d’habiter dans l’appartement fournaise sous les toits qu’il voulait me voir louer à prix d’or, et il m’avait vendu comme un téléphone neuf son mobile d’occase pourri. Entre collègue, on se rend service. Voilà pour décrire un peu mon état d’esprit, quand j’ai du faire un choix : Soit le camp des sympathiques travailleuses de nuit indienne, soit celui des capital-fistes représenté par leur escroc de patron. En vrai, j’ai pas trop réfléchi… Quand elles m’ont dit combien elles étaient payées, j’ai été pris de court, désagréablement surpris. Quel naïf ! J’ai de suite comparé à voix haute avec la somme que l’entrepreneur français versait à leur boss. Sanom Sexanal touchait sept fois ce qu’il les payait. Elles se sont révoltées. C’était un vendredi. Les employées ont menacé de cesser le travail. Elles lui ont dit qu’elles n’étaient pas des guenons et ne continueraient donc pas à bosser pour des cacahuètes. Pour que leur boss continue à profiter de leur service, elles lui proposaient de réévaluer leur salaire à la hausse d’au moins la moitié. Pendant une semaine, Sanom Sexanal a imposé un blocage patronal aux deux meneuses du mouvement social. Il leur a interdit l’accès à leur lieu de travail. Dans le même temps, il racontait qu’elles étaient en grève. C’était son stratagème pour me faire endosser la responsabilité du conflit social. Un costard trop large pour mes frêles épaules. Sexanal prévoyait également de me faire expulser du pays grâce à l’annulation de mon permis de séjour. Tout çà pour quoi ? Le patron escroc baveux voulait obtenir une rallonge de fric de l’entreprise française pour qui il sous-traitait. Il a interdit à ses esclaves de discuter avec moi, ce n’est donc que 3 mois plus tard que j’ai su ce qui s’était réellement passé…
Après une semaine de faux conflit social, Sexanal n’était parvenu à rien avec ses coups tordus. Il a donc du céder 65% d’augmentation et la réintégration des dangereuses meneuses étudiantes-travailleuses, qui ont respectivement 20 et 23 ans.
Cette histoire véridique, comme presque tout ce qu’on raconte ici, s’est passé en mai dernier en Inde. Comme le chante Béranger dans sa version revue et corrigée de l’Internationale, « D’internationale il n’y en qu’une, c’est celle du fric et des cons ! » |
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