Johan de Dina Invité
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Posté le: 29 Déc 2004 20:51 Sujet du message: Me siu pas presenta. |
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Adessias, car amiches ,
Me sona Johan- Marco, vive d’in lei montanha du Comtat de Nissa du costa d’o " Mercant-Tour " coma le sona encueil la montanha nostre.
Ma despi cualché mes sabes ché voih ana viure con lei amiches de la comunauta de Jansiak d'o costa d'o Jabron.
Siu un papé de cincuante tres an.
Me sona Johan de Dina , beleu me sona christian es Johan (en OC) et vivo a Dina d'amont do cians.
Bonjour, cher amis,(et amies).
Je m’appelle Jean-Marc, je vis dans la montagne du Conté de Nice du coté du Mercantour comme l’on nome aujourd’hui notre montagne.
Mais depuis quelques mois, je sais que je vais partir vivre avec mes amis de la Communauté de Jansiac du coté du Jabron.
Je suis un papé de 53 ans.
Je m'appelle Johan de Dina, parce que mon prénom est Johan en (en OC) et je vis à Dina au dessus du Cians.
C'est l'hiver, le temps d'allumer le poêle à coté de l'ordinateur et nous pouvons pastrouiher.
Si je fais abstraction de ceux qui se sont lancés dans des " communautés de type agricole " et dont le revenu dépend à plus de 70 % des animations et stages divers qu’ils proposent, le tout subventionnés par diverses institutions (Conseil Général, Conseil Régional, DDAF, DASS etc…) et qui finalement sont dépendants d’une société à laquelle ils proposent " une alternative ".
J’ai du mal à comptabiliser les communautés de production réellement autonomes et/ou autarciques.
Je remarque aussi que souvent celles qui subsistent en ayant un minimum d’échange économique avec l’extérieur ont un style de vie qui décourage bien des adeptes sinon durant la période de vacance d’été.
Il faut dire que la majorité des petites exploitations agricoles non- concurrentielles et dont les débouchés commerciaux reposent sur la vente directe sur les marchés locaux sont souvent supportées par un couple.
Les investissements en équipements et matériels agricoles étant des plus sommaires, toute l’activité repose sur la force du sang ,beaucoup de peine, d’astuces et de bricolages.
Faire à deux ce qui se faisait à une dizaine de personnes, il y a cinquante à soixante ans, demande d’avoir la santé et une bonne dose de courage et d’abnégation.
Certains d’ailleurs ne résistent pas, et sont ravis de trouver un travail salarié sur place : (emplois communaux ou administratif).
En fait si ces communautés agricoles basées sur la famille élargie se sont dissoutes à partir des années 1950-1960, c’est que les conditions de vie et de travail étaient particulièrement difficiles.
Je prends comme références mes petits cantons de montagne, ou ce type de communauté de production a subsisté jusque dans les années 60.
En fait, il y avait peu d’échange avec l’extérieur (sinon le ramassage du lait) et tous les produits ou sous-produits agricoles non indispensables à la vie de l’exploitation et de ses membres étaient troqués soit contre d’autres produits, soit contre des services.
La seule chose qui manquait était l’argent, indispensable pour payer le pharmacien et les marchands forains qui venaient pour les foires.
Mais la foire était aussi le moyen de vendre vers l’extérieur (un bélier, un bouc, une génisse, un âne etc…)
Ce qui changeait par rapport à aujourd’hui, c’est que l’on acceptait de mourir quand c’était son heure et les occasions ne manquaient pas. L’éducation nationale n’existait pas ; c’était l’instruction publique, mais celui qui avait passé son certificat d’étude en savaient plus sur les métiers nécessaires à la bonne marche de la communauté que certain titulaire de maîtrise aujourd’hui.
La preuve : les seuls remèdes que l’on apportait en estive pour droguer les bêtes étaient : du soufre, de l’huile de cade, de la teinture d’iode, du fil à recoudre, et de la pâte d’arnica.
On n’avait alors ni plus, ni moins de perte que maintenant ou il faut compter pour plus de 8000 F de produit dans la trousse sanitaire.
Compte tenu que beaucoup de chose se transportaient a dos d’homme ou à dos d’âne (on ne disposait pas de piste et de 4X4 à l’époque), les cultures vivrières étaient forcément Bio.
Il ne faut pas pour autant idéaliser au sens " écolo " du terme, on était en concurrence avec les prédateurs et pour protéger couvées et portées, voire récoltes, tous les moyens ; pièges, poison, poudre et plomb étaient utilisés.
Quant aux relations sociale et familiale, si elles étaient peu concurrentielles contrairement à nos sociétés actuelles, elles étaient fortement hiérarchisées, ce qui pouvait se révéler fort pesant sur le plan de la liberté individuelle.
Les relations de voisinages ou de cousinage étaient basées sur la réciproque en matière de solidarité. Solidarité non idéologique, mais basée sur le fait que de la survie des autres communautés dépendait sa propre survie qui découlait de la survie de la communauté à laquelle on appartenait. Mais il arrivait parfois que les rancunes, une partie se sentant lésée dans un échange, soit plus forte que la nécessité de solidarité.
Tout le monde avait une utilité, du plus vieux au plus jeune, du plus expérimenté au plus novice, du plus fort (force du sang) au plus habile, du plus réfléchit au plus bancal du cerveau.
Il y avait division et répartition du travail, mais chacun devait savoir faire une partie du travail de l’autre. Si la force musculaire comptait, ce n’était pas seulement l’apanage des hommes.
La division du travail homme /femme reposait plutôt sur la période des couches, les femmes qui avaient des enfants en bas ages s’occupaient plutôt des taches proches ou internes à la maison (basse-cour, potager etc…) mais au moment des moissons (ou des estives) tout le monde participait : on mettait les bébés dans les couffins et on les amenait sur le terrain.
Bien sûr ce que l’on dénomme dans le langage des communautés religieuses ou militaires, souvent unisexe d’ailleurs, les corvées ménagères et domestiques était souvent l’apanage des femmes, voire d’hommes ou de femmes dont le statut hiérarchique (familial ou social) les désignaient comme serviteur. Ce statut étant certainement plus enviable à l’époque que celui de SDF ou de sans papier salarié aujourd’hui.
Ces communautés agricoles comptant entre 10 & 15 personnes reposaient sur la notion de famille élargie. Soit un noyau familial traditionnel (grands parents, parents, enfants) ou venait se greffer une sœur ou un frère, voire une tante ou un oncle, voire un cousin ou une cousine, voire un neveu, voire encore une bru ou un gendre, voire enfin une personne " étrangère " à la famille par le lien du sang, mais qui avait trouvé là une famille d’adoption. ( derniers cas connu les anciens PG ou KG*).
Il est certain que la nécessité de conserver les ressources du foncier agricole ou forestier après la suppression du droit d’aînesse a eu une importance considérable dans l’organisation territoriale de telles communautés familiales.
En zone de montagne, ces communautés étaient quelques peu nomades, il y avait des terres d’hiver, des terres de printemps ou d’automne et des terres estives.
En hiver, il était plus raisonnable d’être à la limite des grosses neiges, au printemps aux terres d’adrech afin de faire les plans précoces, d’avoir de l’eau, du soleil et de l’herbe, et en été de se partager entre terre de moisson ou de fauche et terre d’estive.
C’est d’ailleurs pour cela qu’aujourd’hui on retrouve une dissémination importante de petits bouts de terrain en indivision. Chaque parcelle avait ses caractéristiques et une utilité saisonnière.
Le rapport aux objets manufacturés n’était pas les mêmes qu’aujourd’hui, on faisait durer et l’on réparait. La qualité des objets était donc basée sur leur durée de vie, leur capacité à supporter l’usure et leurs propriétés à être réparé avec les savoir faire et les outils de proximité.
Un matelas de laine nettoyé , cardé, et reprisé tous les quinze ans durait deux générations presque cent ans.
On récupérait la laine des pulls et le moindre bout de cuir trouvait toujours son utilisation (charnières pour les clapiers). Un vêtement durait plus de vingt ans, j’ai encore gardé dans les années soixante avec une capote de l’armée française gravée KG (Krieg Gefengener, Prisonnier de Guerre) qui datait de 1939.
Certains, me diront, mais il nous fait chier le papy avec sa nostalgie du passé.
Peut-être, mais si l’hypothèse de la fin du pétrole (ou la fin de la civilisation des énergies fossile à bon marché se précise), il faut bien dés à présent réfléchir à la façon dont nous allons vivre (ou survivre). Et plutôt que de recommencer à inventer le fil à couper le beurre, je me replonge tout simplement vers mes racines, vers ce que j’ai connu avant " le grand bond vers la société moderne d’opulence et de cocagne ".
Car ce que je vous raconte, je ne suis pas allé le chercher dans des livres sur le moyen age ou le 18 iémes siècle, mais sur un vécu et une tradition orale qui n’a pas un siècle.**
Par contre, la famille étant aujourd’hui éclatée, voire réduite à la plus simple expression, (couple ou monoparentale) et sachant qu’il n’est pas possible de subsister sur la base d’une
communauté agricole autonome et semi-autarcique basée sur seulement la famille réduite moderne surtout si les conditions matérielles et environnementale sont profondément bouleversées. Je pose simplement la question : quel type de communauté pour " l’après-croissance"?
Viva e a un jorn ché ven.
Johan de Dina
* cas des prisonniers de guerre, KG (Krieg Gefengener ou PG. Prisonnier de Guerre) allemands ou français qui placés dans de petites exploitations agricoles s ‘y intégrèrent après 1945.
** La franchise des terres de bandites (terres communale ou privée dont l’utilisation était attribuée par la communauté villageoise souvent en termes de solidarité avec les plus pauvres) ne fut supprimée dans les Alpes-Maritimes qu’en 1962. |
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